La géomatique au Maroc : histoire et perspectives

La géomatique est une discipline en pleine évolution, directement impactée par les progrès des technologies de l’information et de la communication. Elle offre de nombreuses applications dans des domaines variés, tels que l’aménagement du territoire, la gestion des ressources naturelles, la prévention des risques, le développement durable, le tourisme, la mobilité, etc. Elle constitue également un vecteur de connaissance, de valorisation et de diffusion du patrimoine culturel et naturel.

Au Maroc, la géomatique est une discipline relativement récente, qui a connu un essor important ces dernières années, grâce à la volonté politique, à la demande sociale et à la dynamique scientifique. Elle s’inscrit dans le contexte de la régionalisation avancée, du nouveau modèle de développement et de la transition numérique du pays. Elle représente un enjeu stratégique pour le développement territorial intégré et durable, ainsi qu’un levier pour la modernisation de l’administration et la participation citoyenne.

Le contexte historique et institutionnel de la géomatique au Maroc

L’histoire de la géomatique au Maroc remonte à l’époque coloniale, où les premières cartes topographiques du pays ont été réalisées par les services géographiques français et espagnols. Après l’indépendance, le Maroc a hérité d’un patrimoine cartographique hétérogène, incomplet et obsolète, qui ne répondait pas aux besoins du développement national. Il a fallu attendre les années 1970 pour que le pays se dote d’une politique nationale de cartographie, visant à couvrir l’ensemble du territoire à différentes échelles, à partir de levés aériens et terrestres.

Parallèlement, le Maroc a développé ses capacités en matière de géodésie, de photogrammétrie et de télédétection, en créant des structures spécialisées, telles que le Centre Royal de Télédétection Spatiale (CRTS), l’Agence Nationale de la Conservation Foncière, du Cadastre et de la Cartographie (ANCFCC) et l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II (IAV). Ces structures ont contribué à la production et à la diffusion de l’information géographique, notamment dans les domaines de l’agriculture, de l’environnement, de l’urbanisme et du foncier.

Avec l’avènement des technologies numériques, le Maroc a connu une mutation de la géomatique, qui est passée d’une activité essentiellement technique à une discipline scientifique et transversale. Les SIG ont permis d’intégrer, de gérer, d’analyser et de représenter les données géographiques de manière interactive et multidimensionnelle. Le web géographique a facilité l’accès, le partage et la diffusion de l’information géographique, en la rendant disponible en ligne, sous forme de services, de portails ou de plateformes collaboratives. La géolocalisation a permis de situer et de suivre les objets ou les personnes, en utilisant les technologies GPS, GSM ou RFID. La géovisualisation a permis de créer des images fonctionnelles et esthétiques, en exploitant les techniques de la cartographie numérique, de la réalité virtuelle ou augmentée.

Ces évolutions technologiques ont nécessité une adaptation du cadre institutionnel et réglementaire de la géomatique au Maroc. Plusieurs initiatives ont été prises pour harmoniser, normaliser et sécuriser l’information géographique, en impliquant les différents acteurs publics et privés. Parmi ces initiatives, on peut citer :

  • La création du Conseil National de l’Information Géographique (CNIG) en 2005, qui est un organe consultatif chargé de proposer les orientations stratégiques et les actions à entreprendre en matière de géomatique.
  • La mise en place du Système National d’Information Géographique (SNIG) en 2009, qui est un dispositif visant à organiser, à coordonner et à mutualiser les ressources et les services géographiques au niveau national.
  • L’adoption de la loi 14-07 relative à la conservation foncière, au cadastre et à la cartographie en 2011, qui définit les principes, les modalités et les responsabilités en matière de production, de gestion et de diffusion de l’information géographique.
  • La création de l’Agence Nationale des Equipements Publics et des Infrastructures Numériques (ANEPI) en 2019, qui est chargée de concevoir, de réaliser et de gérer les infrastructures numériques, notamment le réseau national de fibre optique, le data center national et le cloud souverain.

Les domaines d’application et les perspectives de la géomatique au Maroc

La géomatique est une discipline qui offre de nombreuses opportunités de développement et d’innovation dans divers domaines d’application, qui touchent à la fois les secteurs économiques, sociaux, environnementaux et culturels. Parmi ces domaines, on peut citer :

  • L’aménagement du territoire, qui nécessite une connaissance fine et actualisée des caractéristiques et des dynamiques du territoire, à différentes échelles et selon différents thèmes (démographie, habitat, équipements, transports, etc.). La géomatique permet de produire des données, des cartes, des indicateurs et des scénarios d’aide à la décision, en impliquant les différents acteurs et les citoyens. Elle permet également de suivre et d’évaluer les politiques et les projets d’aménagement, en mesurant leurs impacts et leurs performances.
  • La gestion des ressources naturelles, qui requiert une gestion rationnelle et durable des ressources en eau, en sol, en forêt, en biodiversité, etc. La géomatique permet de cartographier, de surveiller et de modéliser ces ressources, en utilisant les techniques de télédétection, de SIG et de géostatistique. Elle permet également de prévenir et de gérer les risques naturels, tels que les inondations, les séismes, les glissements de terrain, etc., en utilisant les techniques de géolocalisation, de géovisualisation et de simulation.
  • Le développement durable, qui implique une prise en compte des dimensions économiques, sociales et environnementales dans le développement du territoire. La géomatique permet de contribuer à la transition énergétique, en favorisant les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et la mobilité durable. Elle permet également de promouvoir le tourisme responsable, en valorisant le patrimoine naturel et culturel, en respectant les écosystèmes et les populations locales. Elle permet enfin de renforcer la participation citoyenne, en facilitant l’accès, le partage et la co-production de l’information géographique, en utilisant les technologies du web géographique et du web participatif.

La géomatique au Maroc présente donc des enjeux et des perspectives importants, qui nécessitent une formation, une recherche et une innovation de qualité, en adéquation avec les besoins du pays et les évolutions du monde. Le Maroc dispose de plusieurs atouts pour relever ces défis, tels que :

  • Une volonté politique affirmée, qui se traduit par la mise en place d’un cadre institutionnel et réglementaire favorable, ainsi que par le soutien à des projets structurants, tels que le Plan Maroc Vert, le Plan d’Accélération Industrielle, le Plan National de l’Eau, le Plan National de Développement Urbain, etc.
  • Une demande sociale croissante, qui se manifeste par l’intérêt et la demande des citoyens, des associations, des entreprises, des collectivités territoriales, etc.
  • Une dynamique scientifique et académique, qui se traduit par la création et le renforcement de plusieurs formations, laboratoires et centres de recherche en géomatique, au sein des universités, des écoles d’ingénieurs, des instituts spécialisés, etc. Ces structures contribuent à la production et à la diffusion du savoir géomatique, ainsi qu’à la formation de compétences qualifiées et adaptées au marché du travail.
  • Une ouverture internationale et régionale, qui se traduit par la participation et la coopération du Maroc dans plusieurs initiatives et projets géomatiques, tels que le programme Copernicus, le programme GMES and Africa, le programme GEOSS, le projet AfriGEOSS, etc. Ces initiatives et projets visent à renforcer les capacités et les infrastructures géomatiques, à favoriser l’échange et l’interopérabilité des données et des services géographiques, à soutenir la prise de décision et la gouvernance territoriale, etc.

La géomatique au Maroc est donc une discipline d’avenir, qui offre des opportunités et des défis à la fois scientifiques, techniques, économiques, sociaux et culturels. Elle nécessite une vision stratégique, une coordination efficace, une innovation permanente et une implication de tous les acteurs concernés. Elle constitue un outil essentiel pour la connaissance, la valorisation et le développement du territoire marocain, dans le respect de ses spécificités et de ses potentialités.

Mr. Ali OUFRID

Ingénieur Topographe et Géomètre Expert.

Une référence dans le domaine de la topographie et de la cartographie au Maroc et aux nations unies.

Ellipsoide

Bureau d'Etudes et Travaux Topographiques et Cartographiques