
Le plan de délimitation administrative est un outil fondamental au Maroc, à la croisée du droit, de la géographie et des politiques publiques. Ce document, à la fois technique et juridique, définit les frontières précises des collectivités territoriales (régions, provinces, communes) et encadre leurs compétences, leurs ressources et leurs interactions.
Pour vous permettre de comprendre l’importance du plan de délimitation administrative ainsi que les procédures de planification et de validation, nous allons traiter le sujet en quatre sections :
- Définition et utilité : Le plan de délimitation administrative clarifie les limites territoriales, évite les conflits de compétences et soutient la décentralisation, pilier de la Constitution de 2011.
- Rôle du géomètre-expert : Ce professionnel combine technologies de pointe (GPS, drones), savoir juridique et médiation locale pour traduire les textes en réalités cartographiques.
- Éléments clés et validation : Le plan intègre des cartes géoréférencées, des rapports descriptifs et des procès-verbaux de concertation, validés par le ministère de l’Intérieur et publiés au Bulletin Officiel.
- Normes et réglementations : Un cadre législatif strict (décrets, lois organiques) et des normes techniques (système géodésique RGM2000) encadrent son élaboration, garantissant transparence et légalité.
Ces dimensions illustrent comment le Maroc modernise sa gouvernance territoriale, en harmonisant rigueur technique, respect des traditions locales (tribus, terres collectives) et ambitions socio-économiques (régionalisation avancée, attractivité des investissements). Cependant, des défis persistent, comme la conciliation entre limites coutumières et administratives ou la mise à jour des plans face à l’urbanisation accélérée.
Définition et utilité
Un plan de délimitation administrative est un document officiel qui définit les limites territoriales des différentes subdivisions administratives d’un pays (régions, provinces, préfectures, communes, etc.). Au Maroc, il s’agit d’un outil juridique et cartographique essentiel pour clarifier les compétences territoriales des collectivités locales et des services de l’État.
Utilité au Maroc :
- Clarté juridique et gouvernance :
- Il évite les conflits de compétences entre administrations (régions, provinces, communes) en fixant des frontières précises.
- Il sert de base légale pour l’organisation des élections, la répartition des ressources budgétaires et l’exercice des compétences locales (urbanisme, services publics, etc.).
- Décentralisation et régionalisation avancée :
- Le Maroc a engagé une politique de régionalisation avancée (Constitution de 2011) pour renforcer l’autonomie des régions. Le plan de délimitation permet de définir les territoires concernés par ces réformes et de structurer leur gouvernance.
- Aménagement du territoire :
- Il facilite la planification urbaine, l’infrastructure (routes, écoles, hôpitaux) et la gestion des ressources naturelles (eau, forêts) en identifiant les zones de responsabilité.
- Sécurité et gestion des frontières :
- Il contribue à la gestion des frontières internes (entre provinces) et externes (avec l’Algérie, la Mauritanie), renforçant ainsi la sécurité nationale.
- Cadre de référence pour les investissements :
- Les entreprises et investisseurs utilisent ces plans pour localiser des projets (zones industrielles, tourisme) en respectant les règles territoriales.
- Prévention des litiges fonciers :
- En clarifiant les limites, il réduit les conflits liés à la propriété foncière ou à l’utilisation des terres, notamment en milieu rural.
Cadre légal :
Au Maroc, ces plans sont établis sous l’autorité du ministère de l’Intérieur, conformément à des textes comme le décret n°2-08-520 (2009) relatif à la délimitation administrative. Ils sont souvent actualisés pour refléter les réformes territoriales (ex : création de nouvelles régions en 2015).
Le plan de délimitation administrative est un pilier de l’organisation territoriale marocaine, favorisant une gestion transparente, efficace et équitable des ressources et des compétences locales.
Rôle du géomètre-expert
L’élaboration d’un plan de délimitation administrative par un géomètre-expert au Maroc est un processus technique, juridique et collaboratif, encadré par des normes légales et des procédures précises. Voici les étapes clés de cette démarche :
1. Étude préliminaire et documentation juridique*
- Recherche des textes légaux :
Le géomètre consulte les textes officiels (dahirs, décrets, arrêtés) définissant les limites administratives existantes (ex. : décret n°2-08-520 de 2009, réforme régionale de 2015). - Exemple : Le Dahir du 7 septembre 1916 régissant les circonscriptions territoriales.
- Analyse des documents existants :
Collecte des plans cadastraux, cartes topographiques, documents d’archives et précédentes délimitations pour identifier les repères historiques ou litiges potentiels.
2. Travaux de terrain et levé topographique*
- Reconnaissance sur le terrain :
Le géomètre effectue une visite des zones à délimiter pour identifier les repères naturels (rivières, montagnes) ou artificiels (bornes, routes, ouvrages). - Utilisation de technologies précises :
- GPS géodésique : Pour fixer des coordonnées géographiques précises (système de référence WGS84 ou Maroc Datum).
- Station totale et drones : Pour cartographier les limites avec une haute résolution.
- Bornage physique : Pose de bornes ou panneaux aux points stratégiques (ex. : intersections de communes).
- Consultation des acteurs locaux :
Rencontre avec les autorités locales (caïdats, communes), les populations et les tribus (dans les zones rurales) pour valider les limites traditionnelles ou historiques.
3. Délimitation et résolution des conflits*
- Identification des points litigieux :
En cas de chevauchements ou de désaccords (ex. : terres collectives, limites floues), le géomètre propose des solutions techniques et juridiques. - Médiation :
Organisation de réunions de concertation entre les parties concernées (communes, provinces, tribus) pour valider les propositions de tracés.
4. Rédaction du plan et documentation*
- Élaboration du plan cartographique :
Création d’une carte numérique et physique avec :- Limites administratives claires.
- Coordonnées géoréférencées.
- Repères topographiques et bornes.
- Rapport descriptif :
Rédaction d’un document détaillant :- La méthodologie utilisée.
- Les références légales.
- Les accords locaux obtenus.
- Les éventuels litiges résolus.
5. Validation légale et homologation*
- Soumission aux autorités :
Le plan est transmis au ministère de l’Intérieur, à la Direction Générale des Collectivités Territoriales (DGCT) et aux instances locales (wilayas, communes) pour approbation. - Publication officielle :
Une fois validé, le plan est publié au Bulletin Officiel (BO) et devient opposable juridiquement.
6. Archivage et mise à jour*
- Conservation des données dans les archives nationales (ex. : Agence Nationale de la Conservation Foncière, du Cadastre et de la Cartographie – ANCFCC).
- Mise à jour régulière en cas de réformes territoriales (ex. : création de nouvelles communes).
Challenges rencontrés par le géomètre
- Conflits historiques : En zones rurales, les limites tribales ou coutumières peuvent diverger des textes officiels.
- Manque de documentation : Absence de plans anciens dans certaines régions.
- Pressions locales : Enjeux politiques ou économiques liés à la délimitation (ex. : accès aux ressources naturelles).
Outils et normes utilisés
- Logiciels : AutoCAD, QGIS, ArcGIS pour la cartographie.
- Normes marocaines : Réseau géodésique national (RGM), système de coordonnées UTM.
Le géomètre-expert joue un rôle central pour concilier précision technique, droit administratif et réalité socio-territoriale. Son travail garantit la légitimité des limites, essentielle pour la gouvernance locale, la planification et la paix sociale au Maroc.
Éléments clés et validation
Un plan de délimitation administrative au Maroc est un document juridique et technique qui doit être complet et conforme aux normes légales pour être valide. Voici les éléments essentiels à inclure et les étapes clés du processus de validation :
Éléments essentiels à inclure dans le plan
- Références juridiques :
- Les textes officiels (dahirs, décrets, arrêtés) justifiant la délimitation (ex. : Décret n°2-08-520 de 2009, réforme régionale de 2015).
- Les limites historiques ou coutumières reconnues par la loi (ex. : terres collectives ou soulaliyates).
- Cartographie précise :
- Une carte détaillée aux échelles appropriées (ex. : 1/10 000 en milieu urbain, 1/50 000 en rural).
- Coordonnées géoréférencées (système WGS84 ou Maroc Datum) des points de délimitation.
- Repères physiques (bornes, rivières, routes) et limites administratives (traits pleins, hachures).
- Description textuelle des limites :
- Un rapport descriptif détaillant les limites parcelle par parcelle, commune par commune, en utilisant des repères naturels ou artificiels.
- Exemple : “La limite entre la commune A et B suit le cours de l’oued X jusqu’à la borne Y, puis la piste agricole Z…”.
- Procès-verbaux de concertation :
- Les comptes-rendus des réunions avec les acteurs locaux (élus, tribus, représentants de l’État), attestant de leur accord sur les limites proposées.
- Plans annexes :
- Les plans cadastraux existants, les cartes topographiques de l’Agence Nationale de la Conservation Foncière, du Cadastre et de la Cartographie (ANCFCC), et les images satellites utilisées.
- Liste des litiges résolus :
- Un inventaire des conflits de limites identifiés et les solutions apportées (médiation, arbitrage).
Processus de validation du plan
1. Soumission aux autorités compétentes
- Le plan est transmis au ministère de l’Intérieur (via la Direction Générale des Collectivités Territoriales (DGCT)) et aux instances locales concernées (communes, provinces, régions).
2. Examen technique et juridique
- Vérification technique :
- L’ANCFCC valide la précision cartographique, le géoréférencement et la conformité aux normes nationales.
- Vérification juridique :
- La DGCT et le ministère de l’Intérieur s’assurent que le plan respecte les textes légaux et les droits des collectivités.
3. Consultation publique (si nécessaire)
- Dans certains cas, une enquête publique est organisée pour recueillir les observations des habitants et des acteurs locaux.
- Affichage en mairie ou publication dans des journaux locaux pour informer les citoyens.
4. Résolution des objections
- En cas de contestation, une commission ad hoc (composée de représentants de l’État, d’élus et d’experts) est formée pour trancher.
- Le géomètre-expert peut être amené à modifier le plan pour intégrer les corrections demandées.
5. Approbation finale
- Le plan est approuvé par décret ou arrêté ministériel (selon le niveau administratif concerné).
- Exemple : Un décret pour la création d’une nouvelle commune, un arrêté pour une modification de limites intercommunales.
6. Publication au Bulletin Officiel (BO)
- Le plan validé est publié au Bulletin Officiel du Royaume du Maroc, ce qui le rend opposable aux tiers et légalement contraignant.
7. Archivage et mise à jour
- Le plan est archivé à l’ANCFCC et intégré dans les registres fonciers (Livre foncier).
- Mise à jour périodique en cas de réformes territoriales ou de modifications légales.
Points critiques à respecter
- Précision technique : Les coordonnées géodésiques doivent être inférieures à une marge d’erreur de 5 cm en milieu urbain.
- Transparence : Implication des élus locaux et des populations pour éviter les litiges futurs.
- Conformité à la loi : Respect strict du Dahir du 7 septembre 1916 sur les circonscriptions territoriales et des textes ultérieurs.
Exemple concret
En 2022, la création de la commune Tamesna (près de Rabat) a nécessité :
- Une cartographie détaillée intégrant les nouvelles zones urbaines.
- Des concertations avec les tribus locales et les communes voisines.
- Une publication au BO après validation par le ministère de l’Intérieur.
Le plan de délimitation administrative marocain est un outil à la fois technique et politique. Sa validation repose sur un équilibre entre rigueur juridique, précision cartographique et adhésion des acteurs locaux. Ce processus garantit la stabilité territoriale et facilite la gestion décentralisée des ressources.
Normes et réglementations
Au Maroc, l’élaboration et la validation des plans de délimitation administrative sont encadrées par un ensemble de normes juridiques, techniques et institutionnelles. Ces réglementations visent à garantir la précision des limites territoriales, la transparence des procédures et la conformité avec les politiques de décentralisation. Voici les principales normes et réglementations en vigueur :
1. Cadre constitutionnel et législatif
- Constitution de 2011 :
Consacre la régionalisation avancée (Articles 135 à 146), renforçant l’autonomie des régions et exigeant une clarification des compétences territoriales. - Principe de libre administration des collectivités territoriales (régions, provinces, communes).
- Loi organique n° 111-14 relative aux régions (2015) :
Définit les limites des régions réorganisées (12 régions au lieu de 16) et leurs compétences. - Loi organique n° 112-14 relative aux provinces et préfectures :
Régit la délimitation des provinces et préfectures, en coordination avec les communes. - Dahir du 7 septembre 1916 :
Texte historique régissant les circonscriptions territoriales (toujours partiellement en vigueur pour les limites traditionnelles).
2. Décrets et arrêtés clés
- Décret n° 2-08-520 du 28 octobre 2009 :
Fixe les règles de délimitation administrative des collectivités territoriales, y compris les procédures de consultation des acteurs locaux. - Décret n° 2-15-40 du 20 février 2015 :
Officialise la nouvelle carte régionale (12 régions) et leurs chefs-lieux. - Arrêté du ministre de l’Intérieur n° 3-21-04 du 2021 :
Définit les normes techniques pour l’établissement des plans de délimitation (échelles cartographiques, géoréférencement, etc.).
3. Normes techniques et institutionnelles
- Système géodésique national :
- Réseau Géodésique Marocain (RGM2000) : Référence officielle pour les coordonnées géographiques.
- Projection UTM Zone 28 ou 29 : Utilisée pour les cartes officielles.
- Rôle de l’ANCFCC (Agence Nationale de la Conservation Foncière, du Cadastre et de la Cartographie) :
- Valide les plans selon les normes cartographiques.
- Gère le cadastre national et les archives territoriales.
- Normes ISO et OGC :
Respect des standards internationaux en cartographie (ex. : formats SIG comme Shapefile, GeoTIFF).
4. Procédures de consultation et validation
- Implication des acteurs locaux :
- Obligation de consulter les conseils communaux, les tribus (pour les terres collectives ou soulaliyates), et les services déconcentrés de l’État (caïdats, gouvernorats).
- Enquête publique :
Dans certains cas, affichage du projet de délimitation pendant 30 jours pour recueillir les réclamations (loi n° 17-08 relative aux servitudes administratives). - Validation par le ministère de l’Intérieur :
Les plans approuvés sont publiés au Bulletin Officiel (BO) après examen par la Direction Générale des Collectivités Territoriales (DGCT).
5. Textes spécifiques aux zones rurales et terres collectives
- Dahir du 27 avril 1919 :
Régit les terres collectives (terres soulaliyates), souvent source de litiges lors des délimitations. - Loi n° 62-17 relative à la tutelle administrative sur les communes :
Encadre les compétences des communes en matière de gestion territoriale.
6. Réformes récentes et défis
- Initiative de dématérialisation :
Utilisation de la plateforme SIG Web de l’ANCFCC pour harmoniser les données territoriales. - Lutte contre l’urbanisation anarchique :
Les plans de délimitation doivent intégrer les plans d’aménagement urbain (PAU) pour éviter les empiètements illégaux. - Défis persistants :
- Conflits entre limites coutumières (tribales) et administratives.
- Retards dans la mise à jour des plans après les réformes territoriales (ex. : création de nouvelles communes).
Exemples concrets d’application
- Création de la région de Dakhla-Oued Ed-Dahab (2015) :
- Délimitation basée sur des critères géo-économiques et validation par décret.
- Intégration des revendications des populations sahraouies.
- Démembrement de la commune de Casablanca :
- Scission en arrondissements urbains, avec des plans validés par arrêté ministériel.
Sanctions en cas de non-respect
- Nullité des actes administratifs :
Un plan non conforme aux normes légales peut être annulé par le tribunal administratif. - Responsabilité du géomètre-expert :
Engagé en cas d’erreur technique ou de fraude (selon la loi n° 16-89 sur l’exercice de la profession de géomètre-topographe).
Les normes marocaines en matière de délimitation administrative allient rigueur technique (géodésie, cartographie) et cadre juridique solide (Constitution, décrets, lois organiques). Ces réglementations servent à :
- Éviter les conflits territoriaux.
- Faciliter la décentralisation.
- Assurer une gestion transparente des ressources.
Toute modification ou création de limites doit s’appuyer sur une collaboration entre l’État, les géomètres-experts et les populations locales.
Cette synthèse souligne l’importance d’une approche holistique, où droit, technologie et dialogue territorial convergent pour bâtir une administration transparente, efficace et ancrée dans les réalités marocaines.
Mr. Ali OUFRID
Ingénieur Topographe et Géomètre Expert.
Une référence dans le domaine de la topographie et de la cartographie au Maroc et aux nations unies.

Ellipsoide
Topographe – Géomètre Expert à Fès, Maroc